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Samedi 27 juin, An II

Bonjour Princesse,

C’est mon premier jour avec le chevalier. Au réveil, il m’a annoncé qu’il devait aller inspecter le Royaume des Mandarins tout proche pour vérifier que tout s’y passe bien. Ça va être ma première sortie dans la nature et j’ai un peu peur. Je crois bien qu’il l’a senti parce qu’il a ajouté que ce serait vite fait, juste le temps de prendre des nouvelles des canards et des pouldos. Je sais pas ce que c’est une pouldo 🙁 Et c’est gros un canard pour un petitours comme moi.

« Sois courageux Max. Tu vas voir, tu vas te régaler ».

Peut être qu’avec du miel je me régalerai, en effet…

Arrivé au Royaume des Mandarins, il est allé tout de suite rendre visite aux pouldos.

« Mais, c’est tout petit, une pouldo. »

« C’est parce que c’est un petit, Max. Et on ne dit pas pouldo mais poule-d’eau. Son vrai nom est Gallinula chloropus et elle fait partie de la famille des Rallidés. Mais je suis inquiet, normalement il y a deux petits 🙁 »

« Parce que tu connais toute la famille ? Les petits, les oncles, les tantes… »

« Mais non Max, je parle de la famille au sens biologique du terme. Les espèces sont regroupées en genres, eux mêmes regroupés en familles. Tu verras, avec le temps tu t’y feras. Pour le moment, il nous faut retrouver l’autre petit. »

Voila, il l’a retrouvé l’autre petit. Ils ne sont pas très beaux…

« Dis chevalier, elles sont toujours moches comme ça tes fotos ? Parce que Princesse va les trouver floues et moches et elle ne va pas avoir envie de lire mon blog… Et on ne voit même pas la môman ».

« Dis Max, ça fait dix minutes qu’on est là et tu ronchonnes déjà 🙂 Les suivantes seront meilleures. Promis. »

« Et c’est quoi le tout vert qu’il y a sur l’eau ? »

« J’apprécie ta curiosité Max. Ce sont des lentilles d’eau, d’étranges plantes à fleurs qui ne font jamais de fleurs, ou tellement rarement qu’on ne les voit jamais. Selon qu’elles sont petites ou minuscules, on les appelle Lemna minor ou Lemna minuta. Elles appartiennent au même genre (Lemna) et à la même famille, les Lemnacées. Dans certaines régions, on appelle ça du manger de canard, parce que les canards peuvent s’en nourrir. »

« Tu veux pas m’emmener là où il y a des canards au lieu de parler ? »

Il a bien voulu, mais avant, il a voulu faire une petite pause pour que je me dégourdisse les pattes. Tu vois, là c’est moi, assis sur de la mousse. Je me suis sali les fesses 🙁

« Oh, ils sont beaux ces zoisos ! C’est ça des canards ? »

« Oui Max, ce sont bien des canards. Et ce sont des canards colverts tous les deux (Anas platyrhynchos, Anatidés). Il y a un mâle, devant, et une femelle, derrière. Tu vois le cou vert du mâle ? C’est ce caractère qui a donné le nom de l’espèce. »

« Mais pourquoi ils sont pas tous les deux pareils si ils sont de la même espèce ? »

« C’est ce qu’on appelle le dimorphisme sexuel… »

« Le dimoquoi ? Tu pourrais parler français, siteplaît ».

« Dimorphisme sexuel. Ça veut dire qu’il y a deux formes, une pour chaque genre. En fait, chez les colverts, la forme des individus est la même. Ce sont les couleurs qui changent. Comme tu peux le voir, la femelle est moins colorée, plus discrète. C’est parce que c’est elle qui élève les petits et qu’elle a intérêt à être discrète. »

« Et le papa, il s’occupe pas de ses enfants ? »

« Non Max. Le mâle féconde la femelle puis s’en va. C’est comme ça chez les colverts. C’est souvent comme ça chez les espèces à dimorphisme sexuel. »

C’est terrible ça. Tu trouves pas Princesse ? Les bébés canards ne connaissent jamais leur père. Peut être qu’ils le croisent et lui disent « Bonjour monsieur le canard » (en canarcolvérien, évidemment) sans le reconnaître. Les pôôvres 🙁

Ces deux canards dormaient sur une patte quand on les a réveillés. Parce que, pour la sieste, beaucoup de zoisos dorment sur une patte. (C’est le chevalier qui me l’a dit.) Après, ils se sont étirés, se sont grattés, on fait une petite séance de lissage de plumes et on rejoint leurs copains canards colverts.

« C’est encore un mâle et une femelle ? »

« Non petitours. Cette fois ce sont deux mâles. »

« Mais, tu as dit que si ils sont pas pareils c’est que c’est un mâle et une femelle. C’est le diformisme des sexes. C’est toi qui l’as dit ! »

« Le dimorphisme sexuel Max 🙂 Regarde celui que tu prends pour une femelle. Son bec est jaune comme celui de l’autre. Ce sont bien deux mâles. La femelle a le bec presque marron. »

« Alors pourquoi ils sont pas pareils ? »

« Tu sais, les oiseaux doivent changer leurs plumes. Ils le font souvent pendant une courte période. Pendant ce temps ils ont un plumage provisoire qui est souvent plus discret que leur plumage habituel. C’est ce qu’on appelle le plumage d’éclipse. »

« Oulala, c’est toujours compliqué comme ça les zoisos ? »

« Tu t’y feras Max, tu verras. »

Tu vois la bande bleue bordée de noir et de blanc sur les ailes des colverts ? Le chevalier appelle ça un miroir alaire. Il dit que c’est à ce caractère qu’on peut identifier les colverts.

Après, on a fait une pause et le chevalier m’a encore fotoé. Je suis tout petit sur cette foto. Tu crois que tu arriveras à me trouver ?

« Allez viens chevalier, il y a d’autres zoisos encore. Dis moi ce que c’est. Celui-là par exemple.»

« Tu devrais dire celle-là petitours, parce que c’est une poule d’eau adulte. »

« C’est une femelle ? »

« Je ne sais pas, Max. Chez les poules-d’eau il n’y a pas de dimorphisme sexuel et on ne peut pas distinguer les mâles des femelles. »

(Cette foto n’a pas été prise le jour de la promenade. Le chevalier a des milliers de fotos d’avant mon arrivée. Il ne veut pas que je les utilise : il dit que ce serait de la triche. Mais j’ai insisté pour te montrer un adulte et pour que, toi aussi, tu connaisses les poules-d’eau. Il est gentil le chevalier. Il a accepté.)

« Tiens, regarde Max. Ça c’est un petit un peu plus âgé que celui de tout à l’heure. Il est presque adulte lui. »

Il est presque adulte mais il appelle quand même sa maman 😉

« Oh, regarde chevalier, ces beaux zoisos ! On dirait des canards mais ce sont pas des colverts. Ils ont pas de miroirs alaires bleus 😉 »

« Max … Tout le distingue d’un colvert ! Pas seulement le miroir alaire. Regarde : sa taille, sa forme, sa couleur… Ses couleurs ! C’est un canard mandarin mâle (Aix galericulata, Anatidés). C’est vrai qu’il est beau. Tiens, là-bas, il y a la femelle. Elle est bien plus discrète mais, moi, je la préfère au mâle ».

Ça ne m’étonne pas de lui d’aimer la discrétion.

Après avoir vu les canards mandarins, il avait l’air rassuré. Tout allait bien au Royaume des Mandarins. Je crois bien qu’il aurait continué son inspection s’il avait été seul. Mais, pour moi, il a préféré rentrer dans sa cabane. Pour que je me repose. J’ai vu beaucoup de belles choses en peu de temps et j’ai même pas eu peur. Le chevalier me rassure. Il a l’air tellement à l’aise dans la nature que j’en oublie mes craintes. Tu savais qu’il parlait aux zanimos ?

Tu vois Princesse, j’ai apprécié la promenade au Pays des Zoisos et je regrette pas d’être resté avec le chevalier même si tu me manques.

Je t’embrasse.

Continuer la promenade

LE BLOG DE MAX

Les aventures d’un petitours bleu au Pays Merveilleux des zoisos

Pays merveilleux des zoisos, An II

Bonjour Princesse,

Je sais que la rumeur court au château que le chevalier m’a enlevé. C’est pas vrai Princesse. Il m’a pas enlevé. C’est aussi ce que j’ai cru qu’il allait faire quand il est arrivé. J’ai eu peur parce que tout le monde dit qu’il est méchant et cruel et qu’il sourit jamais. Mais il m’a pas enlevé. Il m’a demandé si je voulais l’accompagner au Pays des Zoisos parce qu’il voyait bien que je m’ennuyais à la cour. J’avais tellement peur que j’arrivais pas à réfléchir et j’ai dit oui. Alors il m’a mis dans sa poche et m’a emmené chez lui, dans sa cabane en rondins au fond des bois. Là, il m’a laissé me calmer. Il m’a dit que j’avais le temps, qu’on discuterait quand j’en aurai envie. Alors j’ai visité sa cabane en silence. Elle est pas très grande sa cabane et il y a des livres partout. Des tas de livres. Puis je me suis assis devant lui et je lui ai dit que j’avais peur. Il a souri. Il m’a dit qu’il fallait beaucoup de courage pour avouer qu’on avait peur et il m’a invité à lui expliquer de quoi j’avais peur. Il me parlait doucement et tendrement. Je lui ai dit que j’avais peur de l’accompagner au Pays des Zoisos parce qu’il y a des zanimos méchants et que je suis qu’un petitours. Que j’avais peur que toi, Princesse, tu me manques. Que j’avais peur de l’austérité de sa cabane après avoir connu le luxe du château… Il m’a répondu que les zanimos étaient pas méchants, que, comme lui, ils souffraient d’une fausse réputation et que, si on les écoutait et qu’on leur parlait, ils seraient très gentils avec nous. Et puis il a ajouté que quoi qu’il arrive, il me protégerait. Il m’a rassuré en me disant que si j’en avais envie, il me conduirait près de toi aussitôt que je le demanderais et que peut être que sa cabane est austère mais que je m’y sentirais bien. Après, il m’a dit qu’il était tard, que la peur ça fatigue, et que je devais être épuisé. Alors, il m’a mis au lit, m’a fait un bisou et souhaité bonnuit. Puis il est resté à côté de moi jusqu’à ce que je m’endorme. Il est même resté longtemps après que je me sois endormi. Je le sais parce que je me suis réveillé un peu. Il faisait déjà nuit noire et il était encore là, à veiller sur moi.

Le lendemain matin il a vu tout de suite quand j’étais réveillé. Il m’a demandé si j’avais bien dormi, si j’avais besoin de quelque chose… Puis il m’a dit que j’étais libre de rester ou de repartir. Il a ajouté qu’il comprendrait si je décidais de retourner au château parce que j’avais peur de la vie qu’il me proposait.

J’ai vu dans son regard qu’il voulait que je reste avec lui. Alors je suis resté.

Depuis il est devenu mon bonome et moi son petitours et nous parcourons tous les deux le Pays merveilleux des Zoisos.

Tu vois Princesse, il m’a pas enlevé.

Je t’embrasse Princesse et rassure-toi, je vais bien.

Continuer la promenade