79.4 – Histoire de la Bretagne

De retour à la cabane les petizours sont allés dans leur chambre pour se coucher. Quelques instants plus tard le chevalier les y rejoint…

Le chevalier : « Vous ne dormez pas ? Je pensais que cette journée assez dense vous aurait épuisés 🙂 La promenade vous a plu ? »

Max : « Oulala oui ! »

Léo : « Rhooo oui ! C’était bien ! Rholala ! »

Le chevalier : « Vous n’êtes pas fatigués ? »

Max : « Si, bien sûr. Mais on arrive pas à dormir. On est tout énervés à cause de tout ce qu’on a vu aujourd’hui. On essayait de tout remettre en place. »

Léo : « Ben oui, parce qu’on a marché 300 millions d’années aujourd’hui:) »

Max : « Toi tu connais tout alors c’est facile. Mais nous on a un peu de mal à tout comprendre. »

Léo : « On aimerait bien que tu nous racontes l’histoire de la Bretagne. »

Max : « Avec des tas d’explications, des cartes et des documents bizarres… »

Le chevalier : « Maintenant ? A cette heure tardive ? »

Max : « Ben, on arrive pas à dormir alors autant en profiter. »

Léo : « Sauf si tu es trop fatigué… »

Le chevalier : « 🙂 Quelque chose me dit que vous ne me laisserez pas me coucher sans une belle histoire… »

Max : « Tu nous racontes alors ? »

Léo : « Tu veux bien ? »

Le chevalier : « J’accepte le défi. Mais ça ne va pas être facile. »

Max : « Pourquoi ? »

Le chevalier : « Pourquoi ? Mes petizours, nous avons exploré un petite partie de la Péninsule de Kraozon et vous me demandez l’histoire de la Bretagne ! »

Max : « Et alors ? Il est où le problème ? C’est la Bretagne Kraozon, non ? »

Le chevalier : « Un tout petit morceau de Bretagne. Et, pour un géologue, la Bretagne est elle-même un morceau d’un ensemble plus vaste appelé le Massif Armoricain. »

Léo : « C’est quoi le Massif Armoricain ? »

Le chevalier : « Un petite partie de la chaîne hercynienne méridionale… »

Max : « Bonome… »

Le chevalier : « Oui Maxou. »

Max : « Tu vas y arriver 🙂 »

Le chevalier : « C’est gentil Maxou 🙂 Mais je me demande quand même si tu ne me surestimes pas un peu… »

Max : « Mais non ! »

Le chevalier : « 🙂 Regardons d’abord une carte géologique de la France. »

79.4 01 Carte géologique de la France

Léo : « Vraiment, moi j’aime beaucoup les cartes géologiques. J’en tapisserais bien les murs de ta cabane chevalier. »

Le chevalier : « J’en ai déjà affiché 🙂 »

Max : « Pourquoi nous montres-tu cette carte ? On étudie Kraozon nous, pas toute la France. »

Le chevalier : « Je sais Max. C’est peut-être pour t’exprimer mon désarroi. »

Max : « Pourquoi tu désarroises ? »

Le chevalier : « Parce que je dois raconter l’histoire de la Bretagne à partir de 3 km de côtes explorées à Kraozon… »

Max : « Pfff… Tu vas nous faire ça aux petits oignons 🙂 »

Le chevalier : « Aux petits oignons ? »

Max : « Oui, aux petits oignons 🙂 »

Le chevalier : « Tu sais que la cuisine n’est pas ma spécialité Maxou 🙂 »

Léo : « Hé ! Ho ! Il y a la carte géologique de la France là ! Je veux des explications moi ! »

Le chevalier : « Elles arrivent Léo 🙂 Voyez-vous les zones à dominantes rouges ? »

Max : « Ben oui ! »

Le chevalier : « C’est la chaîne hercynienne. Ou plutôt les chaînes hercyniennes. Elles se sont mises en place aux cours du Paléozoïque. »

Max : « Pourquoi tu dis LES chaînes ? »

Le chevalier : « Parce qu’il y en a deux. La chaîne septentrionale et la chaîne méridionale. La première comprend les Ardennes. La seconde comporte le Massif Armoricain, le Massif Central, les Vosges, les Pyrénées, la Montagne Noire… »

Léo : « Si je me souviens bien ce que tu nous expliqué, quand il y a une chaîne de montagnes c’est qu’il y avait un océan. Donc, il y a eu deux océans. »

Le chevalier : « Oui. L’Océan Centralien et l’Océan Rhéique. »

Max : « Et on les voit à Kraozon ? »

Le chevalier : « On en devine un… »

Léo : « Chevalier, de part et d’autre d’un océan il y a des continents. Ici, il y a deux océans. Alors il doit y avoir trois continents. Tu peux nous les présenter ? »

Le chevalier : « Oui mon Léo. Au sud du Massif Armoricain, du Massif Central et des Vosges, il y a un vaste continent appelé Gondwana. Au sud des Ardennes, il y a Armorica et, au nord, c’est Avalonia. »

Max : « Armorica c’est la Bretagne ? »

Le chevalier : « Et le socle du Bassin Parisien… »

Max : « D’accord. On revient à la Bretagne s’il te plaît ? »

Le chevalier : « Au Massif Armoricain. Regardez une carte… »

79.4 02 Carte du Massif Armoricain

Max : « Il déborde de la Bretagne le Massif Armoricain. »

Le chevalier : « Oui Maxou. Il faut ajouter le Cotentin, le Bocage Normand, l’Anjou et la Vendée. »

Max : « Et Kraozon c’est tout au bout 🙂 »

Le chevalier : « Regardons un peu l’organisation de ce massif. Peut-être voyez-vous les deux ensemble de failles. »

Max : « Ce sont les traits noirs ? »

Le chevalier : « Oui. »

Léo : « Il y en qui vont du Bocage Normand à Brest. »

Le chevalier : « C’est la zone broyée nord armoricaine. »

Max : « Et il y en a d’autres de la Vendée à la Pointe du Raz. »

Le chevalier : « C’est la zone broyée sud armoricaine. Ces zones broyées coupent le Massif Armoricain en trois ensembles : le domaine nord-armoricain, le domaine médio-armoricain et le domaine sud-armoricain. Pour simplifier on peut regrouper les deux premiers en un seul domaine : le domaine nord et médio armoricain. C’est à ce domaine qu’appartient Kraozon. »

Léo : « D’après la légende le sud et le reste sont pas tout à fait pareils. »

Le chevalier : « Bien vu mon Léo. Le nord et médio est formé d’un socle briovérien et d’une couverture sédimentaire. Le briovérien est d’une couleur indéterminée 🙂 C’est tout en bas des roches sédimentaires dans la légende. Au sud, il s’agit d’un édifice de nappes. Mais je ne vais pas m’étendre sur le sujet. »

Max : « Vu ta tête tu t’étendrais plutôt sur ton lit 🙂 »

Léo : « Non non non ! Tu racontes l’histoire ! Tu dormiras plus tard ! »

Le chevalier : « Vous n’êtes pas trop fatigués ? »

Max : « On s’en fiche. On dormira demain… »

Léo : « Et puis tu vas pas t’arrêter maintenant quand même ! »

Max : « Et pourquoi tu veux pas t’étendre sur le domaine sud-armoricain ? »

Le chevalier : « Pas envie d’expliquer ce qu’est un édifice de nappes… C’est un peu trop complexe. Et puis il faut savoir que cet édifice n’est pas à sa place. La zone broyée sud armoricaine a décalé les deux domaines de plus de 200 km. »

Max : « DEUX CENT KILOMÈTRES ! LES DEUX MORCEAUX DE FRANCE SE SONT DÉCALÉS DE 200 Km !!! »

Le chevalier : « Oui 🙂 alors forcément ça complique tout. »

Léo : « Oulala… Oulala… Oulaaaaalaaaaa… »

Le chevalier : « Pauvre Léo 🙂 Je résume. Nous sommes en présence de deux ensembles séparés par de gigantesques failles. La péninsule de Kraozon appartient au domaine nord et médio armoricain. On y trouve un socle briovérien et une couverture sédimentaire paléozoïque. Avez-vous des questions ? »

Max : « Euh… Non, pas là. Et toi Léo ? »

Léo : « Pas de questions… J’attends la suite… »

Le chevalier : « Bien, alors maintenant que j’ai présenté la structure actuelle de la chaîne, je vais pouvoir passer à son histoire. Je vous présenterai donc les roches sédimentaires qui se sont déposées sur le socle briovérien puis nous étudierons les roches magmatiques. Ensuite, nous pourrons proposer un modèle d’évolution de la chaîne au cours du Paléozoïque. »

Max : « Tu as pas annoncé de présentation de l’histoire de la chaîne cadomienne. Tu veux pas le faire ? »

Le chevalier : « Non Maxou. C’est trop compliqué pour moi. »

Max : « Trop compliqué pour toi ? Il y a des choses trop compliquées pour toi ? »

Le chevalier : « Oui 🙂 »

Max : « Mais tu as pas vu sa formation à la chaîne cadomienne ? »

Le chevalier : « Non, je n’étais pas né ! »

Max : « Alors ça nous renseigne sur ton âge. Tu es venu au monde au début du Paléozoïque… Peut être à la toute fin du Protérozoïque. Ça te fait donc entre 650 et 500 millions d’années 🙂 Tu es plutôt en forme pour un si vieux bonome. »

Le chevalier : « Merci mon petitours. Le compliment me touche. »

Max : « Quand on peut faire plaisir… »

Léo : « On revient à l’histoire de la chaîne s’il vous plaît ? »

Le chevalier : « Bien sûr mon Léo. Commençons par le Cambrien. »

Max : « Bonome, il y a pas de roches qui datent du Cambrien en Kraozon. »

Le chevalier : « Non, mais il y en a au nord du Massif Armoricain. J’ai pu en observer dans l’Orne. Ou le Calvados, je ne me souviens plus… Ce sont des poudingues. »

Max : « Des poudingues ? »

Le chevalier : « Oui Maxou. Le continent était émergé et les produits de l’érosion de la chaîne cadomienne s’étaient accumulés. Quand la mer est venue, sa profondeur était assez faible. Les galets ont été roulés par les marées, les vagues, les tempêtes. Ils ont été usés et on pris une forme arrondie. Ils se sont ensuite déposés dans un ciment argileux. La roche qu’il ont ainsi formée est un poudingue. Les poudingues montrent toujours le début d’une transgression marine. Par endroits, des calcaires succèdent à ces poudingues. L’épaisseur des dépôts est très importante ce qui laisse penser que le fond de la mer s’est enfoncé. A la fin du Cambrien la mer se retire et la sédimentation s’arrête. »

Max : « Après c’est l’Ordovicien et les grès armoricains. »

Léo : « Maxou, tu oublies les schistes pourprés qu’on a vus au Cap de la Chèvre. »

Max : « C’est vrai ! »

Le chevalier : « Ils correspondent à des dépôts fluviatiles puis deltaïques. »

Léo : « C’est quoi deltaïque ? »

Le chevalier : « Un delta est un cas particulier d’embouchure de fleuve. Il se forme lorsque le fleuve apporte beaucoup de sédiments. Ceux-ci se déposent et forment des amas de dépôts qui conduisent le fleuve à changer de cours. Ici la situation était d’autant plus compliquée que le delta comportait une partie fluviatile et une partie marine. »

Léo : « Alors un delta c’est la fin d’un fleuve avec des tas de petits bouts de fleuve un peu partout qui changent tout le temps d’endroits parce que les sédiments bouchent le passage de l’eau et elle doit passer à côté. »

Le chevalier : « C’est ça mon Léo. Puis, petit à petit la mer est venue recouvrir la région et les sables de l’Arénig sont venus se déposer. »

Max : « La mer est arrivée ! »

Léo : « Mais pourquoi la mer arrive et pourquoi il y a eu des centaines de mètres de dépôt ? »

Le chevalier : « Parce qu’une distension crustale a commencé. Ou plutôt elle s’est poursuivie puisqu’elle avait débuté au cours du Cambrien. Mais nous verrons cela plus tard. Ensuite la sédimentation a changé. »

Max : « Ce sont des argiles qui se sont déposées et après elles ont donné les schistes de Postolonnec. »

Le chevalier : « Oui Maxou. Les sables provenant de l’érosion de la chaîne cadomienne n’arrivaient plus jusqu’ici. »

Léo : « Pourquoi ? »

Le chevalier : « Un fossé séparait le Massif Armoricain du continent sur lequel se trouvait la chaîne cadomienne. »

Max : « C’est un des océans ? »

Le chevalier : « Pas encore tout à fait à ce moment… Mais ce sera l’Océan Centralien. Kraozon, et le domaine nord et médio Armoricain, se trouve donc à la marge sud d’un petit continent. »

Léo : « Celui que tu as appelé Armorica tout à l’heure ? »

Le chevalier : « C’est ça. Mais le niveau de la mer diminue et la sédimentation redevient sableuse. »

Max : « Et c’est le dépôt des sables à l’origine des grès de Kermeur. »

Le chevalier : « Oui 🙂 Les figures sédimentaires montrent un milieu peu profond et de nombreux va-et-vient de la mer. On parle de transgressions et régressions. Ensuite il y a de nouveau un approfondissement du bassin. »

Léo : « Et ce sont des argiles qui se sont déposées. Elles ont donné les Schistes du Cosquer. »

Max : « Et les slumps et les dropstones montrent des mouvements tectoniques et une glaciation. »

Le chevalier : « Toujours exact. Puis vient une autre régression généralisée. »

Max : « Comme le niveau de la mer a encore baissé, la sédimentation est redevenue sableuse et il y a eu les Grès de Lamm Saoz. »

Le chevalier : « Et nous arrivons à la fin de l’Ordovicien. La sédimentation reprendra au Silurien. »

Max : « Avec les ampélites… »

Léo : « Qui montrent une mer pauvre en oxygène… »

Max : « Et il y avait pas d’animaux qui vivaient au fond de l’eau. »

Léo : « Il y avait juste les graptolites en surface. »

Le chevalier : « Bravo mes petizours 🙂 Puis, petit à petit, la sédimentation est redevenue gréseuse et la teneur en dioxygène a de nouveau augmenté. Il faut savoir que pendant le Silurien l’épaisseur des dépôts a été assez constante dans tout le Massif Armoricain ce qui laisse penser que la distension crustale s’était arrêtée. »

Max : « Après il y a eu les Schistes et Calcaires de l’Armorique. Et on a vu des fossiles de coraux. Et il me semble me souvenir que les calcaires sont des accumulations de petits morceaux d’algues microscopiques. Et que ces algues se développent dans des eaux plutôt chaudes. »

Léo : « ça veut dire que le Massif Armoricain, ou plutôt l’Armorica, est remonté vers l’équateur. »

Max : « Mais après on a pas vu. On sait pas la fin du Dévonien. Ni le Carbonifère. »

Léo : « Tu nous dis s’il te plaît. »

Le chevalier : « A la fin du Dévonien il y a une nouvelle régression généralisée sur tout le massif. Je ne connais pas le Carbonifère du Massif armoricain. Je sais qu’il est discordant, riche en charbon et produits volcaniques recouverts de calcaires. »

Max : « Discordant c’est quand une couche repose sur une couche penchée ou pliée. Il y a donc eu de la tectonique quelque part soit à la fin du Dévonien, soit au début du Carbonifère. »

Le chevalier : « Voilà ce que nous pouvons dire des roches sédimentaires. »

Léo : « Maintenant il faut parler des roches magmatiques. »

Max : « On en a vu à la Pointe de Raguenez. C’était des dolérites. »

Léo : « Et au four à chaux. Il y avait des basaltes sous-marins. »

Max : « Et il y a d’autres dolérites dans les Schistes de Postolonnec à Port Lonnec. »

Le chevalier : « Exact 🙂 Vous souvenez vous des âges ? »

Max : « Caradoc ! »

Léo : « Et un peu après… A l’Ashgill ! »

Le chevalier : « Quelle mémoire ! »

Max : « Oui 🙂 »

Léo : « C’est la fin de l’Ordovicien. »

Le chevalier : « Et comment interprétez-vous ces venues magmatiques ? »

Max : « Ben, tu nous l’a expliqué ! C’est la distension de la croûte. »

Le chevalier : « Vous m’impressionnez ! Quelle efficacité malgré l’heure tardive ! Mais il faut que je vous parle d’autres roches magmatiques. On les voit sur la carte du Massif Armoricain. Elles sont en vert vif. Ce sont les ophiolites. »

Léo : « Oui, j’avais vu tout à l’heure. C’est quoi des ophiolites ? »

Le chevalier : « Des roches que j’aurais dû vous montrer avant de venir en Bretagne. On peut en observer dans les Alpes, sur les pentes du Mont Chenaillet. »

Max : « Bonome, tu aurais pas voulu qu’on fasse un détour par les Alpes en venant en Bretagne. Ça va pas la tête ! »

Léo : « Tu as toujours pas dit… C’est quoi les ophiolites ? »

Le chevalier : « Pour faire simple, ce sont des morceaux de croûte océanique. »

Max : « Des morceaux de croûte océanique ? C’est des petits morceaux du fond d’un océan ? Et comment ils sont venus là ? »

Le chevalier : « La tectonique Maxou, la tectonique ! »

Max : « Tu veux pas en dire plus ? »

Le chevalier : « Plus tard, lors de l’histoire de la Bretagne. Pour le moment retenez qu’il y a des ophiolites le long de la suture entre les domaines nord et médio armoricain et le domaine sud armoricain et qu’on en retrouve aussi en Cornouaille, au Cap Lizard. »

Léo : « Pourquoi elles sont importantes ces ophiolites ? »

Le chevalier : « Parce qu’elles nous indiquent l’existence et la localisation des deux océans dont je vous ai parlé. Et parce qu’elles les datent de l’Ordovicien. »

Max : « Et il y en a d’autres des roches magmatiques ? »

Le chevalier : « Oh oui ! Revenons une fois de plus à la carte géologique du Massif Armoricain. La légende indique des roches intrusives et on peut voir qu’il y en a beaucoup représentées en rouge vif. »

Léo : « Oui, surtout au sud, le long de la zone broyée sud armoricaine. »

Max : « Un peu au nord aussi… Et au centre. Mais surtout dans la partie ouest du massif. »

Léo : « Les roches intrusives tu nous a expliqué que c’est quand le magma reste en profondeur et qu’il met longtemps à cristalliser. »

Max : « Il vient d’où tout ce magma ? »

Le chevalier : « Bonne remarque et bonne question 🙂 Vous avez compris que le Massif Armoricain a été une chaîne de montagnes. A vrai dire, c’était plutôt l’arrière pays de la chaîne. Une chaîne de montagnes se caractérise par son altitude. Les montagnes sont hautes. Mais en profondeur, il y a une racine. A peu près symétrique aux sommets. Et il y a donc une forte pression qui s’exerce sur les roches, à cause de l’épaisseur des roches mais aussi à cause des mouvements de compression à l’origine des montagnes. Et toute cette pression fait augmenter la température ce qui fait qu’en profondeur les roches fondent. C’est ce qu’on appelle l’anatexie. Elle donne naissance à des magmas qui, bien souvent, restent bloqués en profondeur. Ils remontent un peu, pas beaucoup… Et il leur faut des millions d’années pour se refroidir et cristalliser. »

Léo : « Alors il y a plein de gros cristaux et pas du tout de verre. C’est ce que tu nous a expliqué à la Pointe de Raguenez. »

Le chevalier : « Oui mon Léo. En se refroidissant ils donnent naissance à des roches à gros cristaux imbriqués les uns dans les autres. Ce sont des granites. »

Max : « Alors toutes les taches rouges sur la carte sont des granites qui se sont formés en profondeur par fusion des roches au fond de la chaîne de montagnes ? »

Le chevalier : « Oui Maxou. »

Léo : « Et si on les voit maintenant c’est à cause de l’érosion ? »

Le chevalier : « Oui Léo. »

Léo : « Rholala ! »

Max : « Bonome, tu dis que la fusion se fait en profondeur. Quelle profondeur ? »

Le chevalier : « Plusieurs kilomètres… »

Léo : « L’érosion a enlevé plusieurs kilomètres de roches ! Rholalaaaa ! »

Max : « C’est combien plusieurs kilomètres ? »

Le chevalier : « A quelle profondeur a lieu l’anatexie ? Tout dépend de la nature des roches, de la température et de la pression ainsi que de la présence d’eau. Au moins 5 km… »

Max : « Il y a des granites à Kraozon ? »

Le chevalier : « En un seul site. C’est l’île Longue. Mais nous n’irons pas l’explorer. Il y a une base de la Marine Nationale qui abrite des sous-marins nucléaires. Je ne pense pas que les militaires nous laisseraient inspecter le granite 🙂 Pour l’anecdote, il y a eu plus d’une dizaine de carrières qui exploitaient ce granite. Au 19ème siècle 500 000 pavés partaient chaque année pour le pavage des quais et des rues de Brest et de Rochefort 🙂 »

Max : « La Ville-Arsenal ? En Charentmaritimie ? Alors si on veut étudier le granite de l’Île Longue en Kraozon, il faut observer les pavés de la Ville-Arsenal en Charentmaritimie 🙂 Bonome, quand on y retournera tu pourras fotoer les pavés s’il te plaît ? »

Le chevalier : « Bien sûr Maxou ! Je me mettrai à genoux pour fotoer et je passerai pour un fou 🙂 »

Max : « La Science mérite bien ce petit sacrifice 🙂 »

Le chevalier : « Je te laisserai faire alors 🙂 »

Max : « D’accord ! Et on sait de quand ils datent ces granites ? »

Le chevalier : « Oui, du Carbonifère. »

Léo : « Ce qui veut dire que c’est au Carbonifère que la chaîne s’est formée. Rholala, on a bien avancé dans l’histoire de la Bretagne ! »

Le chevalier : « Dans la nuit aussi ! »

Max : « On s’en fiche. Demain, on fera une petite journée. »

Léo : « On fait quoi demain ? »

Le chevalier : « Petite journée 🙂 La marée sera basse en fin d’après-midi. Je propose d’aller voir les oiseaux de l’Aber en attendant. Puis nous passerons à Postolonnec. Il y a quelque chose que je n’ai pas vu quand nous y sommes allés… Puis nous irons à Lostmac’h voir un volcanisme de distension. »

Max : « On pourra se lever tard alors. Tant mieux ! Reprenons l’histoire de la Bretagne. »

Léo : « Oui ! Maintenant qu’on a vu la structure actuelle de la chaîne et les différents types de roches, il faut proposer un modèle pour l’évolution de la chaîne. »

Max : « Tu vas tout nous dire du Protérozoïque terminal au Carbonifère. Avec des cartes et des schémas. Allez, au travail. Tu as 300 millions d’années à nous raconter alors je te conseille de pas traîner bonome 🙂 »

Le chevalier : « Je ne sais pas par où commencer… »

Max : « Ben, commence par le Protérozoïque terminal, vers 700 millions d’années, quelque chose comme ça… »

Le chevalier : « Pourquoi pas:) A cette époque, tous les continents sont réunis en un vaste supercontinent appelé Rodinia. Ce supercontinent est centré au pôle sud. »

Max : « Rodinia, c’est du grékancien ? »

Le chevalier : « Non, du russe actuel 🙂 Ça signifie Terre mère. »

Max : « Tu as une carte qui montre Rodinia ? »

Le chevalier : « Je n’en ai pas trouvé 🙁 »

Max : « Zutalor ! »

Le chevalier : « A part celle-ci 🙂 »

79.4 03 Rodinia

Le chevalier : « Toujours au Protérozoïque, trois continents se détachent de Rodinia. Ce sont Laurentia (Amérique du Nord), Siberia (Sibérie orientale) et Baltica (Europe du Nord). Le supercontinent qui reste centré sur le pôle sud est alors appelé Gondwana. »

Max : « Encore un nom bizarre. Pfff… »

Le chevalier : « Peut-être 🙂 Voulez-vous voir une carte. J’en ai trouvé une belle. »

Léo : « Tu nous la montres s’il te plaît ? »

Le chevalier : « La voici… »

79.4 04 Cambrien supérieur

Max : « On voit pas le continent au pôle ! »

Léo : « Non, mais on voit Armorica (en bleu) et Avalonia (en orange) ! Ils étaient côte à côte ! »

Le chevalier : « Oui, sur la marge nord du Gondwana. On voit que Armorica est séparé du Gondwana par une petite mer épi-continentale. »

Max : « C’est quoi encore une mer épi-continentale ? »

Le chevalier : « C’est une mer qui appartient à un continent. Ce n’est pas un océan. Cette mer est le résultat de la distension crustale. Regardez, j’ai un schéma qui montre ce genre de mer actuelle. »

79.4 05 Distension crustale

Léo : « D’accord. C’est parce qu’il y a eu une petite distension. La croûte continentale s’est étirée et amincie et du coup, l’eau de l’océan est venu remplir l’espace. »

Max : « Mais Avalonia est séparée du Gondwana par un océan ! »

Le chevalier : « Oui ! C’est l’océan Rhéique ! »

Léo : « Chevalier, c’est dans la mer entre Armorica et Gondwana que les sédiments à l’origine de toutes les roches que nous avons vues se sont déposées ? »

Le chevalier : « Oui et non. A l’Ordovicien inférieur, il s’agit bien d’une mer. Les sables provenant du Gondwana viennent s’y déposer. »

Léo : « Et ils donneront les Grès Armoricains de l’Arénig ! »

Le chevalier : « Tout à fait ! Mais ensuite la sédimentation change. Les sables issus du Gondwana n’arrive plus jusque la marge sud d’Armorica. »

Max : « C’est parce qu’un fossé s’est formé ! »

Le chevalier : « On peut même parler d’un océan. C’est l’Océan Centralien ou Océan médio-Européen ! »

Max : « On a nos deux océans ! »

Léo : « Et nos trois continents ! »

Le chevalier : « Pour Avalonia et Armorica, qui sont peu étendus, les géologues parlent plutôt de terranes. »

Max : « Tu parles de terranes si tu veux. Je veux pas te contrarier moi. Tu as une autre carte ? »

Le chevalier : « Oui ! »

79.4 06 Ordovicien

Léo : « Le grand océan Iapetus a rétréci. Et Avalonia, en orange, s’est soudé à Baltica. Tous les deux ils forment le nord de l’Europe actuelle. »

Max : « Ça fait bizarre de voir la France comme ça… On voit pas bien le sud mais il est au Gondwana. Il y a une petite bande qui se balade entre deux océans. »

Léo : « C’est Armorica ! »

Max : « Oui. Et le nord est quelque part de l’autre côté d’un autre océan ! Et dire qu’il y a des zoms qui disent que la France est éternelle ! »

Léo : « Max, tu as vu à gauche de la carte ? C’est l’Amérique du Sud ! »

Max : « Mais… Elle est à l’envers ! Ça va pas du tout ça bonome ! »

Le chevalier : « On s’en fiche de l’Amérique du Sud. Elle se remettra bien toute seule dans le bon sens. Revenons à la France. Vous voyez que le domaine sud-armoricain se situe sur la marge nord du Gondwana. »

Léo : « Et les domaines nord et médio Armoricain sont en Armorica 🙂 »

Max : « La Vendée et la Bretagne étaient pas sur le même continent ! Oulala ! Si un jour on va voir les roches paléozoïques de Vendée on étudiera donc la marge nord gondwanienne ! »

Léo : « Rholala ! J’irais bien en Vendée moi ! Pour changer de continent 🙂 »

Max : « Mais bonome ! La Charentmaritimie, c’est le Gondwana ! On va en vacances au Gondwana nous 🙂 Il faut dire ça à tes collègues de la schola quand ils te parlent de tes vacances. ‘Alors, c’était bien les vacances ? Tu es parti ? Tu es allé où ?‘ ‘Oh tu sais, mes petizours et moi, on est allés au Gondwana, comme ça. On aime bien le Gondwana nous. On y va souvent. On y a une petite cabane. C’est charmant. C’est un autre continent mais on s’y fait.‘ Puis tu expliques rien du tout et tu les laisses se demander où c’est le Gondwana. Comme ça, on rigolera bien ! »

Le chevalier : « 😀 C’est une bonne idée mon Maxou. Je ferai ça à la grande rentrée 🙂 »

Léo : « On s’éloigne un peu de l’histoire de la Bretagne là 🙂 »

Le chevalier : « Je suis fatigué moi. J’en ai assez de cette histoire. L’essentiel est dit. »

Léo : « Moi aussi je suis fatigué et j’irais bien me coucher. Mais il faut finir l’histoire chevalier. C’est pas ton genre de t’arrêter en chemin. »

Le chevalier : « Je termine alors. Nés à peu près simultanément, les deux océans vont cependant connaître une histoire complètement différente. L’océan Rhéique ne va cesser de s’élargir pendant tout le reste de l’Ordovicien amenant finalement Avalonia en collision avec la Laurentia vers – 420 Ma. Le second, l’océan centralien, restera très étroit de telle sorte que Gondwana et Armorica vont demeurer côte à côte dans tous leurs déplacements. Ces deux océans disparaîtront également à peu près en même temps. D’abord l’océan Rhéique. Il y aura collision entre Avalonia et le nord d’Armorica. C’est à ce moment que les ophiolites du cap Lizard se mettront en place. Puis il y aura collision du sud du continent néo-formé avec le nord du Gondwana. La fermeture des ces océans a eu lieu à la limite du Silurien et du Dévonien. Voilà, la Bretagne est formée et l’histoire est terminée. »

Max : « Tu es fatigué toi 🙂 »

Le chevalier : « Pourquoi dis-tu cela ? »

Max : « Elle est un peu rapide la fin de ton histoire 🙂 »

Le chevalier : « Un peu, oui 🙂 Mes petizours, il est temps d’aller nous coucher. »

Léo : « Chevalier, elle était bien cette journée un peu dense 🙂 »

Le chevalier : « Elle t’a plu ? »

Léo : « Rholala oui ! C’est drôlement bien. On a vu des tas de choses et de très beaux paysages. Et j’ai bien aimé ton histoire. »

Max : « Bonome. »

Le chevalier : « Oui Maxou. »

Max : « Tu es le plus grand de tous les chevaliers 🙂 »

Le chevalier : « Merci mon Maxou 🙂 Allez, au lit maintenant ! »

Max : « Bonnuit mon bonome. »

Le chevalier : « Bonnuit mes petizours. Faites de beaux rêves. »

Continuer la promenade

Merci au professeur Jean Dercourt qui m’a fait aimer la géologie et qui m’a fait comprendre l’importance d’un plan.

5 réflexions au sujet de « 79.4 – Histoire de la Bretagne »

  1. Bonjour Brindille,
    on est arrivés à la mer. Mais on a rien exploré encore parce que bonome a beaucoup chevauché. On ira demain voir des beaux zoisos. On verra peut-être le chardonneret rigolo. L’an dernier c’était notre zoiso-gardien. Et puis on va vérifier que les hérons gardes-bœufs gardent bien les bœufs 😉 Et puis on va fossiler… Mais c’est plus pareil ici, après la Bretagne.
    C’est gentil à toi de prendre soin des mésanges. Je le dirai à Princesse.
    Et peut-être à bientôt pour aller aux zoisos 🙂

  2. Merci Max pour ces informations. J’ai lu le site que votre chevalier t’a recommandé, sur l’histoire géologique de la Corse, c’était très intéressant. Si votre chevalier a d’autres sites à conseiller, je suis preneuse.
    Moi, j’ai mis de l’eau aux mésanges charbonnières, et j’ai assisté à leur bain 🙂 Ca fait souvent sa toilette, les zoisos 🙂
    Bonnes vacances si vous partez bientôt, et au plaisir de retourner peut-être voir des zoisos avec vous un jour.
    Brindille.

  3. Bonjour Brindille.
    Il faut pas dire que c’est le bazar la tectonique. La tectonique elle tectonise. C’est son rôle. C’est comme quand le vent souffle très fort. Il fait son travail de vent. Et la tectonique fait son travail de tectonique. C’est pas comme les hérons gardes bœufs qui, des fois, gardent rien du tout…
    Pour la Corse, j’ai dû demander à mon bonome. Il s’est gratté la tête et m’a demandé d’attendre deux minutes, le temps de vérifier deux ou trois choses. Et il m’a expliqué.
    C’est qu’autrefois, la Corse et la Sardaigne étaient pas à la même place. Ces deux îles étaient collées à la côte. Si tu connais un peu, la Corse était tout contre le massif de l’Estérel. Ça c’était il y a 45 Ma. Et dans cette position, ben la Corse elle est dans le prolongement des Pyrénées. C’est presque tout pareil la Corse et les Pyrénées.
    Et après la Corse et la Sardaigne se sont fâchées avec l’Estérel et elles sont parties. Bonome dit que c’est à cause de distension et d’ouverture d’un petit océan que la Corse et la Sardaigne ont connu un mouvement de rotation anti-horaire qui les a placées dans leur position actuelle. Ça, c’est ce qu’il dit. Moi, je sais bien que c’est parce que la Corse et l’Estérel se sont fâchés très fort et qu’ils ont décidé de se séparer.
    Il y a un zom qui raconte très bien l’histoire de la Corse sur Internet. Je te donne l’adresse de son site comme ça tu connaîtras toi aussi des tas de choses fort savantes.

    Histoire géologique de la Corse

    A bientôt Brindille

  4. Coucou Max et Léo ! Merci d’avoir demandé au chevalier l’histoire de la Bretagne ! C’est vraiment complexe mais très complet et très clair ! Félicitez votre chevalier, c’est vraiment lui le plus grand des chevaliers, vous avez raison 🙂
    Cela nous éclaire encore mieux sur les articles précédents, en permettant de reconstituer chronologiquement les alternances entre périodes de mouvements tectoniques, avec roches intrusives, et les périodes de sédimentation, et formations de grès, tout ça et tout ça 🙂
    Grâce à vous je viens aussi de découvrir une Montagne Noire que je ne connaissais pas : dans le Tarn..
    Mais j’ai encore une question : votre bonome dit qu’il y a 2 chaînes hercyniennes mises en place au paléozoïque (j’ai aussi découvert à cette occasion que c’était l’ère primaire..je suis pas géologue comme vous !) :
    – la septentrionale, avec les Ardennes ;
    – et la méridionale, avec les massifs Armoricain et Central, Vosges, Pyrénées, et Montagne Noire. Ils apparaissent en rouge sur la carte de France. Mais il y a aussi du rouge sur la Corse. Ca fait aussi partie de cette chaîne formée à l’ère primaire ?
    Rholala… quel bazar la tectonique 🙂
    Gratouillis à tous deux 🙂

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